Emblème du thé au Japon, la théière en fonte est devenue un objet de référence pour nombre d'amateurs de thé.

L'origine des théières en fonte

La fonte est un alliage de fer et de carbonne, dont les premieres utilisations remontent au IVème siècle avant JC en Chine.
Au Japon, si on date sa maîtrise de l'époque Yagoi (300 avant JC à 250 après JC), essentiellement tournée vers la fabrication d'armes, ce n'est que vers 1600 que l'artisanat des fondeurs prend son essor véritable.

En ce début de XVIIème siècle, le Japon entre dans une nouvelle ère, celle du Shogunat Tokugawa (couramment désigné Edo), qui marque la fin d'une période de grande instabilité politique et militaire. Cette accalmie permet à de nombreux artisans et artistes de s'attacher durablement à des princes et d'exercer leur art en toute sérénité.

Dans la région de Tohoku, le Prince local, Nanbu Toshinao, est fasciné par le thé et sa préparation. Très riche en minerai de fer, les sous-sols de Tohoku vont lui offrir une opportunité unique : celle de créer un artisanat totalement dédié à sa passion. Nanbu fait ainsi venir de tout le Japon les meilleurs fondeurs et, en quelques décénnies, Morioka et Mizuawa, deux villages proches du château, abritent les plus importantes fonderies de l'archipel. Les ancêtres de la théière en fonte sont de grosses bouilloires (tetsubin) pouvant contenir plusieurs litres d'eau et des braseros permettant de maintenir l'eau à température élevée pour la cérémonie japonaise de Cha No Yu.

Les commandes affluent de tout le Japon ; la fonte et le thé sont désormais intimement liés. Au fil des siècles de nombreux artistes se sont illustrés dans la création d'objets en fonte, formant ainsi un patrimoine exceptionnel aux multiples sources d'inspirations. Aujourd'hui des modèles anciens sont toujours fabriqués et côtoient les créations les plus récentes de théières des grands designers japonais. Ce ne sont pourtant pas les tetsubin qui constituent depuis une cinquantaine d'années l'essentiel de la production de Morioka et Mizusawa, mais des théières leur ressemblant étonnamment.

En effet, quand les Occidentaux découvrent à la fin du XIXème et au début du XXème les tetsubins, en même temps que les trésors de la civilisations japonnaise, ils utilisent ces dernières assez naturellement pour faire bouillir l'eau.

Ce détournement fonctionnel va peu à peu donné naissance à un nouveau marché. La contenance des tetsubin diminue, des vernis alimentaires sont appliqués sur les parois intérieures pour éviter la rouille, des pigments égayent les motifs en soi, exclusivement fabriqués pour être exportés. L'engouement occidental pour la théière en fonte du Japon est tel que, dans les années 200, des fonderies chinoises se mettent à leur fabrication, innondant le marché des produits bon marché et mal finis, dont la qualité ne peut en aucun cas rivaliser avec l'artisanat japonais.

Secrets de fabrication

Si les capacités de productions sont plus importantes aujoud'hui, la fabrication d'une théière en fonte demeure artisanale et répond à des étapes et des critères immuables. Elle nécessite de nombreux moules : deux pour le corps, un pour le bec et deux autres pour le couvercle. L'anse, quant à elle, est forgée directement dans le feu. L'artisan, à l'aide d'une tige métallique, dessine les motifs voulus dans l'argile encore tendre du moule extérieur. Le métal en fusion, aux alentours de 1300°C, est coulé dans l'espace entre les deux moules. Plus cet espace est étroit, plus la théière est élégante et de qualité. La fonte est un alliage qui se coule facilement et "imprime" donc bien les motifs du moule.

Elle refroidit dans le moule et la théière en fonte est alors d'un beau gris brillant. Pour les théières du Japon de très haute qualité, vient alors l'étape où l'on brise le moule , ce qui explique en partie le coût relativement élévé d'un tel objet. L'artisan applique ensuite un vernis alimentaire à l'intérieur de la théière. La théière est ensuite placée dans un four chauffée au charbon qui dégage du monoxyde de carbonne : par ce procédé, le feu absorbe l'oxygène de la surface de la théière japonaise, qui fonce et devient noire. Le vernis alimentaire, sous l'effet de la chaleur, se fige pour devenir permanent.

L'étape finale est la pigmentation qui apporte une patine délicate à l'objet. Par différentes techniques, on colore ou noircit la surface de la théière. Le dosage en pigments et la finesse de pulvérisation sont des secrets bien gardés par chaque fondeur, au même titre que la composition exacte de la fonte employée. Chaque fonderie a ainsi des spécificités bien particulières, jalousement gardées.

On retrouve traditionnellement sur les théières en fonte japonaises de nombreux symboles, inspirés de la nature et "sculptés" sous la forme de motifs. Arare évoque le givre, Matsuba les aiguilles de pin, Itome le colimaçon, Nami la vague, Sekitei le jardin de pierre... La thématique des saisons est également une source d'inspiration sans cesse renouvelée : Hanami raconte la contemplation des cerisers en fleurs au printmeps ; Momiji-Gari celle des feuilles d'érable à l'automne. Certains artisans excellent enfin dans la reproduction de fresques sur la prois des théières.

Parrallèlement à cette production traditionnelle, créer une théière en fonte japonaise est devenu un exercice de style indispensable pour tout designer qui se respecte. La matière noble qu'est la fonte et la relation ancienne de cet artisanat se métissent ainsi de lignes modernes.